#03 Cri à l’existence

pigeon

Je porte mes mains à ma bouche, pour que mon cri porte plus loin. Ça ne concerne personne pourtant. Pas de destinataire, si ce n’est mon moi intérieur. J’ai besoin que tout ce qui sorte, ne soit pas vain. J’ai besoin de recevoir un écho, recevoir une réponse à ma voix, me sentir existée. Alors je jette ces mots, comme on se débarrasse d’un déchet qui nous encombre.

Ma phobie de l’abandon, mon sentiment de vide, tout ça, n’est la cause que d’une seule chose, il paraît. La peur de la mort. J’ai besoin d’écrire en permanence avec des personnes que je ne connais même pas, me confier à qui veut bien m’entendre. Que quelqu’un pense à moi, me rassure. C’est con, mais ça me soulage comme si sans cela je n’avais pas d’existence propre. Dites-moi, pour qui j’existe entre ces quatre murs ? Moi, j’entends pas les pensées des gens quand ils pensent. Recevoir un texto avant de rejoindre mon lit m’aide à trouver le sommeil. Je ressens l’autre comme s’il était là, son amour fictif que je caresse tendrement. Alors j’accepte de lâcher prise, de me dire que je peux mourir dans la nuit, peut importe, du moment que je continue de survivre dans l’esprit de mon interlocuteur. C’est tordu, je vous l’accorde. Moi même des fois, je me comprends pas. C’est pour ça que je me complique la vie. J’essaye de décortiquer mes reflexions, comme si y avait un sens à tout ça. Mais y en a pas. C’est pour ça que j’dors pas.

J’ai le bide creux. J’ai plus de bouffe sous le coude, alors je m’imagine m’enfoncer un couteau pour faire sortir tout ce qui est en train de pourrir. J’ai envie d’écrire sur mes bras comme une démente. Je deviens cinglée. La solitude me rend cinglée. C’est compulsif. J’ai besoin de parler, de me remplir et de me vider. On dirait que je n’ai pas dépassé le stade anal. Dans un langage plus correct cela se nomme juste le partage.

« La parole comme vaccin contre la mort / La parole comme rempart contre l’ennui / Parler, parler, parler encore / parler pour affrontrer la nuit. » Fauve 

J’pense à machin. Encore, comme souvent. J’pense à cet idiot qui m’a fait revivre l’abandon. Je pense à mon ex. J’ai envie de pleurer. J’ai envie d’écrire. J’ai envie de crier. J’tape frénétiquement sur mon clavier, je monologue quand y a plus personne au bout du fil. Parce que ça m’évite de faire tout ce à quoi je pense. Si seulement j’avais une dose d’héroïne à m’injecter dans les veines… M’éffondrer la tête à l’envers. J’pourrais confondre la souffrance avec le bonheur. Sourire, alors qu’il n’y a que moi que ça fait sourire. J’ai envie de me détruire pour me sentir exister. J’ai envie de me détruire pour entendre vos revendications. Recevoir votre amour à travers vos voix que l’émotion fait dérailler dans les aigüs et vos yeux qui me regardent droit. Exister.

Alors je tape, j’écris, je parle, sans m’arrêter, incapable de faire autre chose. L’écriture. Je n’ai que ça pour moi. Des mots sans queue ni tête jetés sur une feuille et qui me donne l’air d’une cinglée. Mais j’aime bien avoir l’air d’une cinglée. J’ai l’impression d’être une autre. Au moins, on compatit à ma folie, alors que lorsque vous me croisez dans le métro, je ne suis qu’une fille comme un millier d’autre qui respire l’ennui et la monotonie. J’suis personne. Pas de sentiments. Annhilition de mon passé. Confiscation de mon futur. Pas même un visage. Tout juste une silhouette. Je peux crever, tout va bien. La folie c’est vivre, c’est éprouver trop intensément le poid de la vie, c’est l’aimer tellement fort qu’on s’en écorche les doigts et le coeur. Je veux la ressentir jusque dans la fibre de ma moelle épinière, qu’elle resonne dans ma cage thoracique.

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