#08 – Dernières secondes

La nuit, le silence, la mort.

Dans ma chambre, plus rien n’existe. Plus rien. Juste moi. Moi au milieu du monde. La journée, le bruit, le mouvement, la vie. Mes paroles sont le remède contre l’incertitude. Mon rire est la mélodie de mon insouciance. L’instant met à distance le crespuscule, car seul compte l’extraordnaire intencité, les émotions dans mes veines. La nuit, mes pensées. Le silence leur donne plus de poids, comme si elles pouvaient prendre possession de mon être, entièrement. Plus rien n’existe. Plus rien. Que cette voix, qui s’égossille sans s’interrompre une seule fois.

Je suis dans mon lit, mon cerveau fait le tour de ma journée. Il commence à faire le tri, plus efficace qu’une secrétaire. Bonnes nouvelles, mauvaises nouvelles. Chanson qui tourne en boucle. La même scène. Ce que j’ai fait, ce que j’ai omis de faire… Au moins la moitié !

Ma conscience m’engloutie. Le présent n’a plus d’espace. Je suis dans ce moment latent entre passé et futur, entre mises au point et projections. Est-ce que s’imaginer c’est vivre un peu ? Est-ce que rêver c’est vivre aussi ? L’abstrait a-t-elle sa propre consistance ?

Mes peurs d’enfant se déplacent. Ce n’est plus le monstre caché dans l’armoir que je redoute, mais l’oppressant bruit de l’horloge. Je n’ai qu’à fixer le plafond noir pour l’entendre. Je retarde le couché malgré la fatigue. Je sens l’intencité de l’instant m’échapper. Comme des vagues, elle se tarît, progressivement. La banalité. Les émotions n’ont pas la même longévité. Les tempètes laissent plus de stigmates que les jours de grand soleil. Dommage, j’aimerai les retenir plus longtemps entre mes mains. Le temps s’étire, le temps n’a plus la même valeur que lorsque j’avais dix ans. J’oublie. Je cherche, puis me souviens. Oui, c’était ce matin, pas hier. Demain, je l’aurai oublié, ça n’aura plus d’importance. Demain, ce sera une nouvelle vie. Aujourd’hui est en train de s’évanouir. Fermer les paupières. M’oublier. Il faut du courage… Avoir confiance en demain, accepter la défaite et les petites réussites. Je ne suis pas sûre.

Faire taire la voix. Trouver la sérénité. L’accepter. Fermer les paupières

S’endormir, c’est s’abandonner à la nuit, au silence, à la mort.

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