« Bad Girl », le cri d’une jeune fille qui souffre d’être belle

Bad Girl Arnaud Khayadjanian

J’ai fait la découverte d’un court métrage : Bad Girl, réalisé par Arnaud Khayadjanian, artiste français de 28 ans. Je m’intéresse habituellement assez peu à ce format, mais celui-ci a été un véritable coup de poing.

Bad girl, c’est le monologue d’une jeune fille de 17 ans, trop belle pour être perçue autrement que pour son enveloppe corporelle. Immédiatement entre-t-elle en scène qu’on se fait un premier avis. On la voit apparaître, marchant dans la rue au ralenti sur une musique aux sonorités électro. Sur son épaule est posée une batte de baseball. Elle porte une robe rose flashy par dessus un juste au corps noir et de longs cheveux bleu. Cette image évoque immédiatement la fille désirable, l’enfant désinvolte qui envoie valser les codes mais inatteignable par l’agressivité qu’elle dégage. La perruque qu’elle porte n’est pas sans rappeler la culture asiatique, les jeux vidéos et les mangas représentant toujours les femmes affublées de cheveux multicolores et des attributs surdimensionnés. Arnaud Khayadjanian fait appel à diverses références pour dessiner son personnage.

L’adolescente tourne autour d’une cage à l’intérieur de laquelle sont enfermés différents garçons incarnant des looks, des tendances. Il y a quelque chose de choquant dans cette image qui matérialise l’enfermement de l’homme. Quelque chose qui ne rentre pas dans nos codes. À l’inverse, quand c’est elle qui est dans cette grande cage, allongée parmi les fumigènes, l’image parle davantage. Peut-être car c’est ainsi qu’on perçoit la femme, qu’elle n’a pas le droit de penser, de s’exprimer, d’être elle-même.

Le monologue de cette fille sans nom, fait sens avec les images juxtaposées. Elle montre ce qu’il y a au delà des apparences, ce mal-être d’être touchée sans être aimée. Ce n’est pas seulement celui des filles jolies, mais des femmes sensibles, de celles qui veulent être aimées véritablement pour ce qu’elles sont.

Les femmes-enfants représentent une fascination : le corps reflète encore l’innocence de la jeunesse, alors que les yeux renvoient la souillure de l’existence. Elles s’appellent Dolorès (Lolita – Vladimir Nabokov) ou Melody Nelson  (Gainsbourg). L’espoir naïf de l’amour qui s’entremêle avec les pulsions primaires des hommes.

Quand j’aime j’suis une gosse, une gosse fragile.

Ce film fait écho à l’adolescence, aux souffrances qu’on peut éprouver à cet âge ou simplement en tant que femme. il m’a parlé et j’aimerais que vous le regardiez pour que vous compreniez que la beauté que vous saisissez n’est pas qu’un aspect extérieur mais la sensibilité de la personne. C’est cela le beau, c’est cela la véritable beauté : la fêlure que chaque être porte en son sein.

Bad Girl, c’est un court métrage à l’esthétisme soigné, avec un discours touchant et juste ou la musique se mêle avec délice dans cet univers de l’enfance, du vide et de la souffrance.

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