Je suis peinée. Je dois vous le dire: je suis peinée. Ça ne concerne pas que moi, mais vous aussi. Ça me heurte, dans ma sensibilité, dans ma personne, dans ma citoyenneté. Donner une opinion qui ne correspond pas à celle du “bien-pensant” et voyez sa réaction: violente !
Je suis peinée de constater que dès lors qu’on n’a pas les mêmes opinions que la majorité, nous n’avons droit à aucune considération. Nous sommes des extrémistes, nous sommes des personnes qui méritent les insultes et pire encore… Je n’ai pas d’opinions politiques, parce que je ne m’y intéresse pas plus que ça. Je ne sais pas quelle pensée est juste, qui a raison par rapport à qui. Cette notion de bien et de mal est de plus en plus floue et abstraite. Mais comme je travaille cinq mois sur un sujet sensible, que je suis informée, au bout d’un certain temps, oui, je me positionne. Et cette position ne plaît pas !
Je n’ai pas mon mot à dire parce que je ne rentre pas dans la norme. Si je le donne ? On me réduit au silence. On réduit ma personne à quelques arguments donnés. La seule manière de se débarrasser d’un avis qui déplaît ? Éjecter la personne et puis l’exposer en public. La dénoncer, tout en faisant des raccourcis parce que c’est plus facile de se mettre les autres dans la poche, attiser la haine, le mépris. « Regardez là, elle n’est pas conforme ! »
Je suis meurtrie. Je suis meurtrie car les opinions ont raison de tout: de l’humanité et des amitiés. Il faut rentrer dans les clous, faire comme le voisin. Je pense n’avoir jamais porté de jugement hâtif. Je ne pense pas avoir voulu imposer mon opinion lorsqu’on m’a demandé mon avis. J’ai juste voulu pointer un problème. En pointant un, j’en ai soulevé un autre.
Alors, je ne sais toujours pas si mes opinions sont justes, car oui peut-être que je me trompe, peut-être qu’effectivement j’ai tort, mais ce que je constate c’est l’intolérance des individus. L’unanimité n’est pas possible. Chacun aura toujours ses raisons de penser ce qu’il pense, car il a un vécu, une histoire. Chacun pense avoir raison mais n’est pas prêt à écouter un avis divergeant du sien. Ne vous étonnez plus du monde dans lequel nous vivons, il est à notre image. L’incapacité à nous mettre à la place d’autrui, l’intolérance d’écouter et de recevoir les opinions d’autrui est déjà le commencement de la violence. C’est ici que naît la haine, à cause de l’incompréhension de l’autre. Débattre, c’est naturel. S’engueuler, c’est normal. Et ne pas être d’accord encore plus. Mais insulter, pointer du doigt, stigmatiser ? C’est ôter le droit à l’autre de s’exprimer puisque vous ne lui donner aucun crédit, c’est lui ôter un peu de son humanité.
Et moi, gamine de 14 ans qui rêve encore de pouvoir changer le monde… Je ris, je ris de ma propre naïveté. Rêve perdu par l’homme qui se dit ouvert, qui impose sa liberté, mais refuse d’entendre une voix différente de la sienne.
Je suis peinée…
Je suis peinée, car la communication est ce qui fait la force de l’homme et aujourd’hui, la communication est coupée. Un même moule, une même idée, une seule direction possible… Pas d’alternative.
Crédit photo: Pinterest / Januz Miralles