Une femme extraordinaire : la mise en scène d’un jeu dangereux.

une femme extraordinaire

Ce jeudi 16 novembre, je me suis rendue au théâtre de La Folie pour assister à la première d’Une Femme Extraordinaire. Moi qui n’ai jamais mis les pieds dans un théâtre parisien pour voir autre chose qu’un illusionniste et tout en sachant que je m’apprêtais à aller voir une pièce érotique, je dois bien avouer que j’avais quelques appréhensions.

Je craignais d’être mal à l’aise, néanmoins j’étais curieuse du travail d’Arthur Vernon, metteur en scène de cette pièce. Je me demandais comment on pouvait intégrer une dimension sexuelle à une pièce ou à un film sans que cela soit immédiatement vu comme quelque chose de vulgaire ? 

La pièce commence alors que Lila jouée par Anna Stern dans le fond de la salle lit un texte. Elle dépeint le visage d’une femme désirable, ce portrait, c’est elle, écrite par des hommes qui lui ont voué un amour sans borne. Elle le lit à son compagnon qui est sur scène, un téléphone à la main pour matérialiser la distance qui les sépare. Rapidement, elle le rejoint pour une scène torride où leurs corps s’entremêlent dans le lit aux draps de satin rouge. Tous deux se retrouvent pour passer trois jours ensemble avant de partir se marier à Las Vegas. Trois jours durant lesquels, les choses ne vont pas forcément se passer comme prévues… 

En quelques minutes le ton de la pièce est donné. Une Femme Extraordinaire relate l’histoire d’un couple libertin qui ne s’est donné pour unique règle que celle de la sincérité. Ils sont l’un et l’autre comme deux aimants qui s’attirent puis se repoussent alternant sans cesse de pôle : la distance puis les retrouvailles, les engueulades puis les mots d’amour, « le sucre puis la baffe ».

Lila progressivement tisse sa toile autour de son partenaire Renaud, joué par Daniel Hederich, mettant en place un jeu dangereux. À plusieurs reprises, elle l’encorde ce qui illustre l’emprise qu’elle a sur lui, le rapport de domination qu’il y a entre les deux personnages, le séduisant pour mieux obtenir de lui — dont ses repas à 70 euros tous les soirs. Plus c’est gros, plus ça passe ! Le public pas aussi dupe et crédule que Renaud rit de bon cœur à chaque nouvel argument ou excuse que Lila sort pour justifier son comportement.

La pièce traite de la manipulation, montrant comment une personne est capable de tirer habilement les ficelles en jouant avec les émotions de l’autre. Si l’évolution de la pièce se passe sans grande surprise, la façon dont elle est mise en place est intéressante apportant un bon rythme à l’ensemble. Découpée en plusieurs actes, on voit d’abord les choses d’un œil neutre et extérieur, avant que Renaud s’adresse directement au public pour nous montrer son propre point de vue, pour finalement se terminer sur une confrontation. La scène finale est d’ailleurs particulièrement bien tournée, glissant progressivement vers un parallèle de notre propre société. C’est à la fois la plus instructive et la plus prenante, les acteurs jouant chacun deux rôles différents qu’ils alternent à tour de rôle.

Passée la surprise de la première scène de sexe (non, ils ne font pas l’amour en boxer et en petite culotte… !), je dois bien reconnaître qu’elles sont réalisées avec esthétisme et ont l’avantage d’être courte. Le corps de Lila, telle une Aphrodite, envoûte les yeux, tandis que des jeux de lumière viennent nous plonger dans des ambiances différentes tout au long de la pièce. J’ai également apprécié la présence de la musique à des moments clés venant apporter du rythme, jouant même un rôle au cœur de l’intrigue.

Lila nous charme comme elle charme Renaud. Elle danse sur scène dans sa robe blanche, vient enserrer le corps de Renaud dans des gants blanc, passe de la colère à une joie mutine en une seconde. Elle est ambivalente, joue la comédienne et se convainc de son propre jeu.

Une femme extraordinaire a été une agréable surprise. Arthur Vernon nous fait vite oublier notre gène en nous prouvant ses talents de metteur en scène. Il réunit le sens de l’esthétisme, joue sur les symboles, apporte une touche d’humour appréciée… Il m’aura permis de dépasser mes a priori négatifs sur le théâtre érotique et réussit à me faire passer un bon moment. Une jolie pièce qui mérite le coup d’oeil. 

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