Santiago s’est produit sur la scène des Trois Baudets ce lundi 16 octobre, cloturant la soirée après le passage de Hugo Jardin et Scandale! Après les avoir vus à l’occasion de La Nuit Désinvolt au Divan du Monde, je savais que leur prestation serait folle, mais également que je serai frustrée d’être là, le cul dans mon siège à les regarder jouer. Cela n’a pas loupé !
Le quatuor Santiago a débuté sur une introduction instrumentale rock’n’roll : guitares, basse et batterie étaient à l’œuvre dans un rythme pressant. Le chanteur Santiago s’est mis à pousser un hurlement, nous faisant sursauter dans nos sièges. Cri sorti de nulle part. Le ton était donné ! Santiago Aldunate dans son costume blanc patte d’eph, en imposait. S’il a la classe d’un King moderne, qu’on ne s’y trompe pas pour autant, car il a son style musical bien à lui, venant puiser dans les racines du rock psychédélique en y ajoutant la chaleur de ses origines chiliennes.
Le groupe est venu aux Trois Baudets nous présenter certains de leurs nouveaux titres comme Un reflet dans l’eau ou Il est parti qu’on peut retrouver sur la compilation de La Souterraine. Ils n’ont néanmoins pas manqué de jouer L’aube ou Le tombeau issus de leur premier EP L’aurore et qui avaient connu un franc succès lors de leur passage au Divan du Monde. Bien qu’il n’y a pas eu foule ce soir, pour Santiago ce n’est pas le nombre qui compte. Ils ont tout donné, assurant leur show avec autant de fougue que s’ils jouaient à guichet fermé.
Leur musique s’inscrit dans un continuum avec de nombreuses variations comme le titre Il est parti sur lequel on repère deux périodes distinctes : comme deux points de vue différents. Santiago a cette force de mélanger des éléments qui ne semblent pas bien s’imbriquer ensemble à première vue comme une apparition angélique dans le décor d’un Western, des contradictions qui s’invitent dans leur forme les plus brutes, alternant des périodes d’accalmies et d’agitations sans véritable demie-mesure.
“Dans les lugubres aubes citadines, j’ai vu un ange traverser les boulevards, il était grand et tout vêtu de noir, puis son reflet disparu dans l’abîme. Non, je ne te retrouverai pas.” L’aube
Il est amusant de voir que ce contraste est également perceptible dans la composition du groupe. Sur scène, il y avait le duo des furieux et des sages : le chanteur et le batteur débordaient d’une énergie féroce, ravageant tout sur leur passage, tandis que le guitariste et le bassiste se faisaient plus discrets dans leur jeu scénique. Deux forces opposées qui finalement s’équilibraient.
Leur musique est viscérale, chantée avec les tripes et jouée avec une énergie bestiale. Le batteur nous a bluffé par son jeu, capable de tenir des rythmes précipités, si bien que leurs chansons devenaient pour eux, pour nous, un puissant exutoire. Leur musique est presque visuelle : à travers des paroles abstraites, ce sont des images, des sensations, des couleurs qui nous apparaissent, dont certaines qui peuvent nous mettre mal à l’aise. Mais finalement qu’importe la présence « des insectes rampants », car on prend un plaisir monstre à les écouter jouer.
“Je suis tombé dans mon propre trou, celui que j’avais creusé de mes mains, là où la terre avait vu mes larmes, au lendemain de notre amour.” Le tombeau
À défaut de pouvoir extérioriser en dansant et en arrachant les sièges des Trois Baudets, on a pris le temps de profiter du spectacle : du jeu des musiciens, de l’interprétation du chanteur. On s’est laissé envelopper dans des atmosphères différentes, tantôt sensuelles, tantôt révoltées, avec autant de plaisir et de tension que devant un bon Clint Eastwood.
On est ressorti de la salle avec l’impression d’avoir pris une claque, comme si on nous avait tiré les cheveux en arrière et mis la tête dans une machine à laver (oui, Santiago c’est violent mais sacrément bon !). Après être restée scotchée à les regarder jouer, j’ai ressenti l’urgence de retourner les voir dans une salle debout, où mon corps ne serait pas contraint. Qu’à mon tour je puisse m’éclater sur leur musique, ne pas simplement l’écouter, mais la vivre ! C’est ça le secret de Santiago : l’intensité d’une musique vivante qui résonne dans les profondeurs de nos boyaux.