Camille Hardouin est une artiste que j’ai découverte il y a un an, lorsqu’elle s’appelait encore La Demoiselle Inconnue. Le coup de cœur avait été immédiat avec son titre Si Demain dévoilant l’intimité d’une histoire d’amour d’une nuit dans un murmure comme quelque chose qu’on n’ose dire, qu’on n’ose prononcer de peur que l’essentiel nous échappe. Aujourd’hui Camille a quitté sa carapace pour dévoiler son univers sans masque avec la sortie de son premier album Mille Bouches.
C’est sur la minuscule scène de Madame Arthur, que je suis allée la voir pour la première fois sur scène, ce mercredi 8 novembre. Moment qui promettait d’être émouvant. Sur fond de rideau en velours rouge, de colonne en miroirs, l’ex-demoiselle inconnue a chanté pendant 1 heure entre deux shows de la troupe de Madame Arthur. Un lieu particulier qui met en lumière la sensibilité des artistes qui viennent s’y produire, créant un curieux contraste entre l’extravagence des transformistes et cette drôle de petite fée.
Non seulement l’identité de Camille Hardouin a évolué, mais également sa formation. Habituellement seule en guitare-voix, ce soir elle était entourée de deux musiciens, l’un guitariste et contrebassiste, la seconde au clavier et à la clarinette. Même les instruments se font discrets, rehaussant son talent avec légèreté et précision comme lorsqu’on assaisonne un plat.
Camille Hardouin a commencé ce concert avec Mille Bouches, premier titre de son album éponyme, a cappella, les claquements de ses doigts donnant la mesure. Elle avait dans les yeux, l’innocence d’une gamine qui monte sur scène pour la première fois, mue par un bonheur indicible. Sa présence, sa voix, ont suffi pour captiver en quelques secondes l’assistance. Tandis qu’elle chantait son désir d’être aimée de mille hommes, nous étions suspendus à ses lèvres, remplissant nos cœurs de ses textes.
« J’ai besoin que tu sois mille hommes, / Mille hommes pour remplir mon ventre étroit / Comme mon ventre peut accueillir mille hommes, / Soit mille hommes et je n’aimerais que toi. »
Camille Hardouin est toujours dans l’émotion : sur ses disques comme sur scène. Elle nous touche avec ses mots, elle nous a donné envie de pleurer sur Si Demain. J’ai senti les traits de mon visage se tordre sous le poids de cet amour éphémère. Et c’est bien comme ça, c’est beau comme ça, car les histoires d’amour n’ont pas besoin de durer longtemps pour être belles et fortes. Elle nous fait rire sur Il M’plaît Pas, la naïveté de la femme amoureuse, de celle forte qui tente de nier ses sentiments alors qu’elle a l’esprit complètement ailleurs.
« Depuis hier à 22 h, c’est la troisième fois que je mets mes chaussettes sales / Dans le beurre, et le beurre dans les cabinets / Je mange de la mousse à raser, je mets mes lunettes dans le frigo et / J’ai ce sourire d’attardé quand je descends dans le métro, /Mais il m’plait pas, il m’plait pas, c’est vraiment pas possible qu’il m’plaise. »
Elle nous a embarqués sur le bateau d’un pirate, nous a donné envie de danser sur le titre Pablo, puis soudain s’est transformée en louve. Avec un archet, elle a fait grincer les cordes de sa guitare électrique dans un bruit inquiétant, nous plongeant dans l’obscurité d’une nuit de pleine lune. Camille Hardouin parle beaucoup d’amour, l’amour dans tous ses états dans toutes ses formes, tel un kaléidoscope : du désir d’être aimée à l’infidélité. Ce n’est pas cucul, c’est juste et c’est là que réside son trésor : cette capacité qu’elle a de se mettre à nu dans ses textes dans une sincérité pudique.
Camille Hardouin est une artiste avec une personnalité un peu hors des clous, excentrique, amusante. Elle aurait pu jouer dans un groupe de rock complètement déglinguose, mais non. Elle a choisi une autre musique, sincère, juste, drôle aussi des fois. Ses chansons font le même effet qu’un rock violent, elles prennent aux tripes, sauf qu’elle le fait avec une infinie douceur. Il y a des mots qui frappent fort quand on les entend. Ceux de Camille Hardouin en font partie.
Un concert digne d’elle : intimiste, pétillant et touchant.