Zaza Fournier, chanteuse et accordéoniste, après trois albums, a décidé de pousser les choses un peu plus loin. Il y a trois ans déjà, alors qu’elle était accompagnée de Magiker, des lampes dansaient sur scène, tandis que ce dernier coupait aux fleurs leurs têtes. Aujourd’hui, pour son quatrième album Le Déluge, elle occupe la scène autrement en proposant un spectacle.
C’est ainsi que le mardi 13 mars, je me suis retrouvée dans un des sièges rouges du 104, prête à assister à ce drôle de concert sans savoir exactement à quoi m’attendre.
Alors que les contes de fées se terminent tous par « ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants », l’histoire que Zaza nous raconte commence par la fin. Mais que se passe-t-il après ce « ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants » ? Est-ce vrai ou n’est-ce qu’un tissu de mensonges ? Le bonheur peut-il durer toute une vie ?
Entourée d’une sirène (Juliette Serrad au chant et au violoncelle) et d’une amazone (Diane Villanueva au chant et aux percussions), Zaza Fournier dévoile en treize chansons les aléas d’une relation amoureuse, loin de la perception idyllique qu’on peut en avoir. Treize chansons qui sont comme des tableaux contenant une interrogation, une émotion, quelque chose de parfois sauvage ou au contraire plus fragile, qu’on peut écouter indépendamment les unes des autres, mais qui prennent véritablement leur sens dans leur ensemble. Avec ce quatrième album Le Déluge, Zaza Fournier a un peu délaissé son accordéon au profit de nouveaux instruments, notamment le synthé et le pad. Chaque note est comme un coup de pinceau dont on pressent l’intensité donnée par l’artiste. Avec cela, Zaza parvient à jouer et à maîtriser les émotions qu’elle souhaite transmettre. Sans regarder, juste en écoutant, on sait l’intention qu’elle y met.
Elle lie chacune de ses chansons en s’adressant directement à son public pour lui raconter, ou l’interroger. Même si nos corps sont confortablement installés dans les sièges, que nous nous laissons glisser au son de sa voix, notre esprit prend une part active à ses mots : et moi, comment je le vis ? Qu’est-ce que j’en pense ?
« Mais qu’est-ce qui est plus grave : mélanger ses fluides aux fluides d’un autre ou de lui écrire un poème ? Se laisser aimer, c’est tromper ? C’est plus grave de tromper l’autre ou de se tromper soi-même ? »
Elle apporte beaucoup de poésie à travers ses textes : l’amour devient une bête qui dort, alors que le temps est un chien qu’elle voudrait caresser. La mise en scène également participe à cet univers de conte : cinq toiles tendues sont disposées au milieu des trois musiciennes, représentant ces personnifications, ainsi qu’un château. Un poisson inquiétant vient parfois chanter avec Zaza Fournier, invoquant un climat particulier qui nous surprend et nous charme. Ce sont les monstres qu’elle évoque, qu’elle essaye d’apprivoiser alors que nous avons la plupart du temps tendance à vouloir les cadenasser.
« Mon cœur est complet, tu peux garder tes chaussures, je ne t’ai pas dit d’entrer, je vais changer la serrure, si tu veux passer quand même, il ne faut pas que je t’aime. »
C’est fin et bien choisi, discret et juste. Alors que nous passons notre temps à lutter contre nous-mêmes, Zaza Fournier porte ses émotions sans culpabilité ni jugement et cela fait du bien. Parfois, il suffit d’accepter qu’elles soient là pour les laisser passer ensuite.
Zaza Fournier a réussi à créer un univers à part entière sur scène. Elle termine avec « La Danse des Frères » qui vient apporter une dimension universelle à son histoire, proche de quelque chose d’archaïque et de sauvage, quelque chose auquel on ne déroge pas. Et même, si on a parfois du mal à tout saisir, peu importe, car cela participe à entretenir le mystère, comme la vie est également ainsi faite.
L’amour est quelque chose qui revient régulièrement dans ses chansons, pourtant on ne s’en lasse pas, car elle a cette capacité de se renouveler et d’apporter des ingrédients nouveaux, d’envisager ce thème sous d’autres angles, d’autres points de vue. Elle ne fait pas que raconter, chanter et partager, elle repousse les frontières de son art.