La Pietà, incarnation de la femme martyre et de la femme forte, est un projet musical qui mêle différents prismes d’art pour crier sa vérité de la société. Nous l’avions découverte avec son titre La Moyenne et son 1er EP Chapitres I et II. Depuis La Pietà a grandi. Elle a sorti deux autres EP et vient de finaliser son album. Un travail de longue haleine qu’elle a entamé depuis plus de quatre ans avec au bout, un livre à paraître en 2020.
Elle était de retour sur la scène parisienne ce vendredi 3 mai aux Trois Baudets. Une soirée qui s’annonçait comme des retrouvailles, à la fois avec l’artiste et cette salle que j’ai tant aimée.
La connotation religieuse est là, en fond de scène, comme un blasphème : une croix à la branche oblique faisant naître une lumière bleutée dans le noir de la salle. Il n’y a rien de catholique ni de bien pensant chez la Pietà, elle est là au contraire pour nous exposer à la figure ce qu’on a tendance à enfouir ou à ne pas dire. Auparavant cachée derrière le visage d’un chat, elle dévoile qui elle est, la femme assumée et assurée, pleine de ses blessures qu’elle vient chanter. Elle est entourée de deux musiciens dissimulés sous l’apparence de loups, l’un à la guitare, le second aux arrangements électroniques.
Elle ouvre son concert en nous criant : « levez-vous », en nous balançant des insultes. Le message est passé ; ce soir, elle veut nous bousculer, nous faire sortir de notre zone de confort, comme si les sièges en velours rouges était à l’image de notre existence, le cul bien posé à notre petite place sans oser en sortir.
La Pietà nous offre quelques inédits et pioche des morceaux dans ses cinq chapitres. Elle fait ce qu’elle sait faire de mieux : elle dénonce, elle nous bouleverse avec des textes sur la perte ou sur la rupture, sur des émotions noires, des émotions que nous avons tous déjà éprouvées une fois seuls, même dans le fond de nos petits appartements parisiens. « Roulés en boule ». Elle chante, déverse son flow comme un navire sur une mer agitée, avant ou après la tempête. Elle pourrait être un Saez au féminin, une Yelle un peu plus trash, un Kurt Cobain qui aurait vécu assez longtemps pour voir où va le monde.
Parmi les morceaux qui nous ont le plus marqués ce soir, il y a une reprise de France Grall Si Maman Si, qu’elle transforme en une version plus sombre, moins modulée, mais qui glisse comme le Bottleneck sur les cordes de la guitare et se clôture sur une jolie montée dans les aigües. La chanteuse-compositrice nous laisse cons avec un texte de slam, La fille la moins féministe de la terre, qu’elle nous balance dans la figure comme un uppercut qu’on n’avait pas vu venir. Pas de musique, juste sa voix et le silence des spectateurs. Elle dénonce les violences ordinaires faites aux femmes, parle de la place de la femme dans notre société, tout en déclamant son amour de l’Homme. Elle termine son texte comme elle l’a commencée, à quelques nuances près, nuances qui viennent en changer le sens. Un texte qui mérite bien l’ovation qu’elle reçoit, parce que c’est vrai, parce que c’est fort. Un texte qu’on devrait connaitre par cœur et qu’on devrait clamer comme un hymne à la femme, un hymne à l’humanité.
« Je veux avoir le droit de voter pour un connard en avril. Je veux avoir le droit de mettre une mini-jupe sans me faire traiter de salope, ou sans qu’un tocard mette sa main dessous en disant que j’l’ai bien cherché mon viol. »
La Pietà s’exprime par les mots, par la musique et par la scène. Sur J’aime Pas Les Gens, elle pète un câble, frôle l’hystérie, se tord dans un cri, balance le pied de micro et ce qui passe sur son passage. Elle donne tout. Et c’est justement parce qu’elle donne tout qu’elle réussit l’exploit de faire se lever les Trois Baudets.
Pour la dernière, l’artiste nous rejoint et s’installe nonchalamment au premier rang : « ah ouais, je vous comprends ! On est bien là ! ». Elle commence son morceau assise, avant d’entrer dans une folie furieuse, montant sur les sièges, prête à les arracher s’il le faut, parce qu’on est rock ou on ne l’est pas. Et avec elle, nous gueulons :
« Nous sommes la moyenne à peine, à peine. »
La Pietà c’est mieux qu’une séance de psy pour nous remettre les idées à l’endroit. C’est brut, c’est sauvage et elle agit sur nous comme une vraie catharsis. En sortant du concert, on a la sensation que la société se porte un peu mieux, que le monde tourne un peu plus droit.